Chronique historique 1 | «C’est le début d’un temps nouveau!» 

Au début des années 70, l’arrivée d’un service régulier de traversier entre Cap-aux-Meules et Souris représente un tournant dans l’histoire de la CTMA et des Îles. À l’époque, la CTMA était une jeune coopérative dans la fleur de l’âge, et encore uniquement spécialisée dans le transport de marchandises. La mission était d’approvisionner les Îles en denrées et d’assurer l’exportation des produits de la pêche. 

Qui dit traversier dit passagers !

Relever le défi d’établir et d’opérer un système de traversier au quotidien avec des passagers, c’était toute autre chose ! Imaginez la profonde transformation de passer d’une coopérative qui amène de la marchandise à une coopérative qui doit aussi accueillir et servir des passagers sur un navire. En plus du défi logistique et de toutes les installations à mettre en place, la CTMA devait apprendre à manœuvrer ce bateau, et ce dans tous les sens du terme : avec un traversier, il fallait aussi trouver du monde pour s’occuper des passagers ! Il a fallu recruter et former toute une équipe pour développer le service aux passagers.

Un service de traversier attendu de pied ferme

La population attendait depuis longtemps l’arrivée d’un traversier moderne. Voici un extrait d’un article de la revue l’Action Nationale (avril 1961), qui permet de mieux comprendre le besoin à l’époque :  

« […] la compagnie Clarke Steamship occupe déjà le terrain et draine des coffres du ministère du Transport plusieurs centaines de milliers de dollars en subsides pour le service des Îles. Or cette compagnie ne fait guère que du tourisme avec son North Gaspé, et elle a sur la ligne de Pictou et de Charlottetown un vieux sabot qui ne répond plus du tout aux exigences du transport moderne. Il faut maintenant un transbordeur capable de faire un voyage aller et retour chaque jour du point le plus rapproché du continent, pour que les voyageurs puissent traverser en auto comme cela se fait partout. »

Sentant un potentiel touristique pour l’archipel, les Madelinots attendaient donc de pied ferme ce nouveau traversier. Ce projet de longue haleine a été confié à la CTMA dans une optique de se réapproprier localement les moyens de notre développement économique. 

Le besoin d’un traversier moderne roll-on-roll-off se faisait bien sentir, mais encore fallait-il que les infrastructures permettent d’accueillir ce nouveau navire, notamment agrandir le port de Cap-aux-Meules, installer le grand brise-lame pour protéger des intempéries et construire une rampe d’accès… autant de projets d’une envergure aussi grande que le traversier lui-même. Il aura finalement fallu s’armer de patience et attendre au 4 octobre 1971 pour voir le fameux Manic entamer son service de traversier, après de nombreux revirements politiques. 

Le saviez-vous ? Communément appelé RO-RO, un navire roll-on-roll-off signifie un traversier duquel on peut entrer et sortir en voiture. Avant l’arrivée du Manic, pour transporter une voiture sur un navire de CTMA il fallait la palanquer, c’est-à-dire la lever dans les airs à l’aide d’équipement pouvant la faire passer du quai au pont du navire et vice-versa (voir photo à l’appui). C’était toute une aventure ! Disons qu’on s’imagine mal cela aujourd’hui alors qu’on fait simplement rouler notre voiture à l’intérieur du navire…

Le Manic ne suffit pas : boom surprise du développement touristique aux Îles 

Dès le premier été de la mise en service du Manic en 1972, l’affluence est telle que le navire ne suffit pas à la demande. Jamais on n’aurait pu prédire un tel engouement. Il n’est pas rare de voir un véritable chaos au quai de Souris, allant même jusqu’à des manifestations de passagers :

« Le capitaine Jacques Chevarie a souvent descendu sur le quai pour les calmer un peu ! » (Raphaël Turbide, CFIM)

Le service de traversier venait d’arriver et déjà, la CTMA devait jongler avec un enjeu qui la suit encore 50 ans plus tard : l’équilibre fragile à maintenir entre l’accès aux camions de marchandises et celui des passagers. Rappelons qu’à l’époque, aucun système de réservation n’était en place. C’était donc premier arrivé premier servi et les passagers attendaient parfois plusieurs jours avant d’enfin pouvoir obtenir une place à bord. La gestion de l’espace était un enjeu majeur, et la CTMA doit développer au fil du temps plusieurs stratégies afin de servir le mieux possible à la fois la clientèle commerciale et les passagers. Si la cohabitation demeure fragile à certaines périodes plus critiques durant l’année, de nombreux outils ont été déployés pour atténuer cet enjeu. 

Les débuts de la traverse, c’était le début d’un temps nouveau pour la CTMA… 

et pour les Îles !

Pour écouter la chronique intégrale, cliquez ici :

Dans la prochaine chronique historique : L’impact du système de traversier sur le développement touristique aux Îles. 

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