Chronique historique 2 | 50 ans de traversier : 50 ans de tourisme aux Îles 

L’arrivée du Manic aux Îles de la Madeleine n’est pas seulement synonyme d’un nouveau service de traversier, mais représente également l’arrivée d’une industrie qui deviendra cruciale aux Îles : le tourisme. 

Des Îles à découvrir. Les Îles connaissent leur première véritable affluence touristique à l’été 1972. Il faut se rappeler que le Manic, initialement attendu au printemps 1971, aura finalement accosté aux Îles en septembre 1971, laissant ainsi toute une saison sans aucun service de transport passagers : « Y’avait toute l’attente du bateau, la saison 1971 n’a pas eu lieu, et on se souvient aussi qu’à ce moment-là l’ancien navire, le North Gaspé, n’était plus en service, donc c’était toute une saga ! » (Raphaël Turbide, CFIM)

Lors de la première vraie saison du Manic, la CTMA accueille pas moins de 22 000 passagers. Un nombre impressionnant qui dépasse toutes les attentes et prévisions !

Qui était ces visiteurs ? La plupart, c’était des exilés, c’était la diaspora madelinienne qui revenait voir la parenté. Des gens partis depuis longtemps s’établir sur la Côte-Nord, en Gaspésie, dans la vallée de la Matapédia, en Beauce, à Verdun, bref un peu partout au Québec et qui n’avaient jamais vraiment eu la chance de revenir dans leur pays natal. 

« Tout ce beau monde-là avait soif de revenir visiter l’archipel qu’ils avaient quitté. Quand les gens ont entendu parler de ce nouveau service de traversier, ils se sont rués en masse et c’est ce qui a donné l’essentiel de ce nouveau tourisme durant le premier été. » (Raphaël Turbide, CFIM)

Prêt pour le tourisme ?

Pas du tout ! Si la CTMA a un défi important à relever avec la traverse, c’est vrai pour tout l’archipel qui n’est pas, en 1972, encore équipé pour accueillir les touristes. Il faut s’organiser, et vite. À l’époque, on n’avait pas d’infrastructure touristique, pas vraiment de restaurant ni de bar ni d’attraction touristique. Par exemple, le Musée de la mer venait de commencer, la Grave n’était pas encore aménagée. L’association touristique est, elle aussi, apparue dans ces années-là. 

Se rendre aux Îles et y loger : encore un défi. Heureusement, pour les exilés madelinots, on allait rester chez la parenté. Mais ensuite sont venus les jeunes aventuriers de la génération baby-boomers qui débarquaient en sac à dos ! 

« Ces jeunes aventuriers hippies n’étaient pas toujours au goût de la population locale qui voyait ces gens arriver sur l’archipel. C’était une jeunesse qui sortait de la fin des années 60, des gens qui se promenaient, qui cognaient aux portes des maisons pour quêter nourriture et abri, c’était vraiment un choc culturel ! » (Raphaël Turbide, CFIM)

Sentiment d’envahissement vs opportunité à saisir

Les Madelinots vivent un sentiment d’envahissement particulier, dans un archipel encore très conservateur et catholique. Une lettre d’opinion d’Azade Harvey parue dans le journal de l’époque (Le Madelinot) résume ce sentiment d’envahissement bien présent, et qui fait écho avec la situation vécue encore aujourd’hui, alors que le tourisme atteint des sommets inégalés. Ce texte fait aussi un portrait juste de la capacité des Madelinots à se prendre en main et saisir cette opportunité en or de faire du tourisme une véritable économie locale. 

(Source : Le Madelinot, 15 avril 1972, Azade Harvey, chronique Opinion du lecteur)

La CTMA aux premières loges de grands changements 

Avec l’arrivée de ce jeune tourisme viennent de grands changements culturels : les Îles s’ouvrent à une réalité plus urbaine, plus québécoise. Le Québec à cette époque vit une grande effervescence culturelle, un délaissement du conservatisme et une ouverture sur le monde. 

La CTMA vit elle aussi une profonde transformation. En transportant ces gens, la coopérative doit développer une nouvelle façon de fonctionner. Il faut bâtir le service à la clientèle, le développer. On fait venir des gens de l’extérieur pour former un équipage. Ces défis coïncident également avec l’arrivée de femmes sur les navires de la CTMA, alors que jusqu’ici, le monde maritime était exclusivement masculin. Les femmes font leur place et le service aux passagers se développe. 

Alors que l’on apprend à naviguer à travers ces défis, un constat s’impose : le Manic ne fournit pas à la demande. On veut et on doit partir rapidement à la recherche d’un nouveau navire ! 

Pour écouter la chronique intégrale, cliquez ic i :

Dans la prochaine chronique historique: Avec ses 22 ans de service, le Lucy Maud Montgomery a vu la métamorphose économique et sociale de l’archipel madelinot.

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