Chronique historique 6 | « Au loin y’a la glace »

Affronter l’hiver pour une liaison régulière à l’année

Depuis les débuts de la traverse les Îles – Souris, le service doit être interrompu durant les plus durs mois d’hiver (février et mars), car les différents navires qui se sont succédé n’ont jamais été adaptés pour les conditions de glaces du golfe Saint-Laurent. 

Et même encore ! La poursuite du service de traversier jusqu’à la fin janvier a bien souvent représenté un défi de taille lors d’hiver rigoureux menant à une arrivée hâtive des glaces. Vous souvenez-vous de janvier 1993 ? Le Lucy Maud s’était fait prendre dans la glace pendant plusieurs jours, coupant ainsi les Madelinots de leur lien d’approvisionnement et créant toute une commotion sur l’archipel ! À la CTMA, ce genre de situation assez révélatrice faisait toujours prendre un peu plus conscience de l’importance de se doter d’un navire plus robuste pour affronter les glaces. 

En fait, l’idée d’avoir une traverse régulière à l’année est un vieux rêve que la direction de la CTMA envisageait depuis longtemps. C’était tout un défi de pouvoir éventuellement acquérir un navire capable de naviguer dans les glaces, d’organiser la logistique nécessaire d’une traverse à l’année, et surtout, d’obtenir le soutien financier. Persévérance et ténacité : voilà ce dont ont fait preuve les dirigeants de la CTMA qui se sont succédé. L’obtention d’un lien hivernal a effectivement été un dossier qui a traversé les générations, puisque ce n’est qu’en 2009 qu’on peut enfin offrir une liaison maritime régulière 12 mois par année. 

Arrivée du CTMA Voyageur : les débuts d’une desserte maritime hivernale pour les Îles

La première expérience d’une liaison hivernale pour la CTMA débute avec le CTMA Voyageur. Ce premier navire-cargo roll-on roll-off possède une coque classée pour les glaces, ce qui permet d’établir une traverse hivernale hebdomadaire avec Matane à partir de 1989. Ce ravitaillement même l’hiver est un grand progrès pour l’époque, mais a ses limites : l’approvisionnement arrive seulement une fois par semaine et encore, il arrive que le navire soit pris dans les glaces. « On n’est plus dans les années de misère de nos ancêtres, mais il y a quand même une tension dans l’économie en raison de l’approvisionnement plus ou moins fiable des marchandises aux Îles. Donc l’idée de pouvoir faire une traverse plus régulière est un grand projet à la CTMA. » (Raphaël Turbide, CFIM) 

On avait besoin de quoi pour aller à Souris 12 mois par année ? Le navire adéquat ! Le Madeleine ne l’était pas. Il a fallu l’acquisition du CTMA Vacancier en 2002 pour enfin avoir LA bonne occasion de naviguer même l’hiver. Bien que le mandat premier du CTMA Vacancier était de développer un service de croisières sur le Saint-Laurent, le navire avait sa coque adaptée pour les glaces, et puisqu’il n’y avait pas de croisière l’hiver, le navire était disponible pour une traverse hivernale. Le rêve devenait enfin réalisable !

De 2002 à 2009 : pourquoi attendre si longtemps avant de faire le grand saut ?

À partir de 2002, la CTMA possède le bon navire pour remplacer le Madeleine et ainsi assurer le service de traversier 12 mois par année. Pourtant, il aura fallu attendre près de 7 ans pour que la liaison hivernale voie le jour : « On [les gouvernements] s’interroge beaucoup sur la rentabilité d’un tel service, oui les marchandises, mais les gens vont-ils voyager ? Aurons-nous des passagers ? Les gouvernements hésitent énormément à subventionner cette traverse. Il faut les convaincre, mettre en place des scénarios qui permettent de réagir à n’importe quelle contrainte, par exemple quoi faire lors d’une année de glace trop épaisse, etc. C’est un travail de longue haleine. » (Raphaël Turbide, CFIM) 

À cette même époque, la CTMA vit un important changement de garde au sein de son équipe de direction, alors que Monsieur Roméo Cyr, qui a dirigé la coopérative pendant près de 50 ans, laisse sa place à Monsieur Gérard Leblanc au début des années 2000. Monsieur Emmanuel Aucoin prend le relais comme directeur général en 2009. 

Enfin le feu vert ! Avec toute leur expertise, leur ténacité et un mode solution bien ancré, les équipes de la CTMA réussissent à convaincre le gouvernement de leur capacité à relever le défi d’une liaison hivernale, et surtout, que les Madelinots ont réellement besoin de ce service. C’est en 2009 que le CTMA Vacancier entame sa toute première liaison hivernale entre Cap-aux-Meules et Souris en février et en mars. « Rapidement, non seulement on constate que c’est une révolution car ça permet vraiment un approvisionnement plus régulier aux Îles, mais aussi on voit que le service est populaire et qu’il y a quand même beaucoup de voyageurs qui prennent le bateau l’hiver. » (Raphaël Turbide, CFIM)

Tout comme l’établissement du service routier dans les années 1970, la mise en place de la traverse hivernale a un impact déterminant sur le mode de vie madelinot. Il est désormais possible de se procurer des aliments frais dans des conditions comparables au continent. L’insularité est atténuée. Durant les mois de février et mars, on transporte en moyenne 430 camions-remorques de denrées et marchandises. Le fait d’être approvisionner trois fois par semaine est une grande évolution dans la vie des insulaires, auparavant habitués à un ralentissement économique durant la saison froide.

Malgré les défis qui demeurent selon les aléas de Dame Nature, la pertinence de ce service ne se dément plus, et les équipes de la CTMA apprennent à conjuguer avec la météo et les glaces pour assurer le service le plus régulier possible. 

Pour écouter la chronique intégrale, cliquez ici :

Dans la prochaine et dernière chronique historique : Du Madeleine I au Madeleine II 

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